Les pissenlits (saison 3)
Garett est arrivé en retard, il devait passer à la vie scolaire pour un papier important. Il n’a pas voulu vous déranger, aussi il a observé attentivement ses camarades pour savoir ce qu’il fallait faire. Il a vu qu’il fallait aller dans le champ, or il avait aux pieds ses baskets neuves. Il a fouillé son sac et il s’est aperçu qu’il avait oublié ses chaussures pour les champs. Il ne voulait pas vous le dire de peur de prendre une punition pour oubli de matériel. Il a donc demandé à ses camarades, qui pouvait lui prêter des chaussures. Laura en avait une paire en double mais c’était du 36 et lui chausse du 41 et elle ne voulait pas qu’il les ouvre un peu au bout. Même avec la toute la bonne volonté du monde, ça ne rentrait pas. Il a dû lui les rendre, après les avoir essuyé avec le revers de son tee-shirt car il avait mis de la terre dessus. Il n’ y avait pas d’autre paire disponible dans la classe, en effet, Karim voulait bien lui prêter les siennes mais seulement quand il aurait fini son travail. Garett s’est dit que s’il attendait, il n’aurait pas le temps de faire ce qui était demandé. Alors il a quitté ses chaussures et il est allé dans le champ en chaussettes, en marchant doucement pour éviter les cailloux.
Il a commencé à tendre la main vers un pissenlit, et là vous avez dit : « C’est fini, rendez-moi vos bouquets. »
Lorsque vous vous êtes rendu compte que Garett n’avait pas de bouquet, vous vous êtes exclamée : « Et toi, tu as encore rien fait de l’heure !! Tu ne peux pas te mettre au travail de temps en temps ? »
Garett n’a pas compris :
– il est passé à la vie scolaire,
– il a couru jusqu’ici pour ne pas trop être en retard,
– il s’est renseigné auprès de ses camarades pour savoir ce qu’il fallait faire,
– il a retourné tout son sac pour trouver des chaussures,
– il a cherché partout des chaussures,
– il a demandé à ses camarades des ciseaux pour couper les chaussures de Laura,
– il s’est embrouillé la tête avec Laura,
– il a nettoyé et rendu les chaussures,
– il a sali ses chaussettes,
– il a progressé dans le champ au péril de sa vie.
Et vous osez dire qu’il n’a rien fait !
Garett est parti furieux, en bougonnant : « Elle m’énerve celle-là, puisque c’est comme ça je fais plus rien ! »
Vous aussi vous avez rencontré ces élèves débordés par tout un tas de tâches annexes et qui n’ont de ce fait que peu de temps pour les apprentissages.
Vous avez rencontré cette incompréhension de l’enfant à qui vous dites qu’il n’a rien fait alors qu’il pense avoir été un « bon élève » parce qu’il s’est agité toute l’heure pour mettre en place son cadre de travail.
Vous avez des solutions ?
Partagez votre expérience.
Voici le jour où j’ai compris qu’il pouvait être inacceptable de s’entendre dire « Tu n’as rien fait de l’heure. »
Il y a très longtemps (presque à l’époque où la mer recouvrait tout), j’étais remplaçante dans une zone à faible densité de population. Entre deux remplacements, je passais une partie de mon temps dans les cours de mes collègues.
Il y avait à cette époque un élève en très grande difficulté scolaire. J’avait décidé de passer une heure de cours à son rythme.
Il est arrivé en retard, et il s’est assis au fond. Je me suis assise à côté de lui.
Il a sorti ses affaires, puis il a observé la classe, le professeur et le tableau. Il a compris qu’on était en train de corriger un exercice.
Il a ouvert son classeur, l’a feuilleté dans un sens puis dans l’autre à la recherche d’une feuille qu’il n’a pas trouvée. Il a interpellé les camarades de devant pour avoir une feuille, qu’il n’a pas obtenue. Il a à nouveau fouillé son classeur pour trouver une feuille « pas trop écrite ». Il a sorti un crayon de sa trousse, le crayon n’était pas taillé, il a donc à nouveau sollicité ses camarades pour trouver un taille-crayon, puis un crayon.
Une fois équipé, il a demandé à ses camarades quel était l’exercice qu’on était en train de corriger. Il a cherché l’ exercice dans son livre mais sans technique de recherche rapide : il a tourné les pages presque une par une, en faisant vite, dans un sens puis dans l’autre pour réussir à trouver l’exercice en question.
Ensuite il a levé la tête vers le tableau, pour copier la correction, mais celle-ci avait déjà disparu.
A ce moment, je me suis redressée, épuisée et je me suis dit : Il n’est pas possible de dire à cet élève « Tu n’as rien fait de l’ heure » parce que ce n’est pas vrai, il ne le comprendrait pas.
Cependant sa grande activité n’avait aucun intérêt pour ses apprentissages, et qu’il fallait bien le faire évoluer.
Quelle solution ?
Le travail en ilots? Le passage au travail en ilots m’a permis de « récupérer » plusieurs élèves.
L’aide des camarades de l’ilot permet d’atténuer les problèmes qui parasitent ces élèves.
Je suis de ton avis. Les camarades de l’ilot vont pouvoir servir de « tuteurs » au moins à deux titres, sans doute plus :
Avec des camarades bienveillants, cela fonctionne très bien. Attention cependant à ne pas mettre trop de charge sur ces derniers. Il ne faut pas les rendre responsable du comportement de Garett, leur laisser la charge de l’accompagnement toute l’année.